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mercredi 25 janvier 2012

Comment a été préparé le 7 novembre 1987 ?


"Nul ne peut prétendre à la magistrature suprême s’il n’est pas d’une culture exceptionnelle, avisé aux affaires de la nation, roué à la politique !!!!". Célèbre homme de lettre français
Comment a été préparé le 7 novembre 1987 ?

Depuis le 14 janvier 2011, nous assistons à un déferlement de révélations, descriptions et anecdotes sur lesquelles certains ont imaginé le scenario du coup de force du 7 novembre 1987.
Car, il s’agit bien d’un coup de force, bien qu’à certains égards, il a tous les traits plutôt d’une révolution du palais !

Ben Ali faisait bien partie du gotha du pouvoir quand il a décidé de passer à l’action dans la nuit du 6 au 7 novembre 1987. En fait, il a pris de court des rivaux qui convoitaient le pouvoir en même temps que lui.
Mais son succès il le doit à un bien long et minutieuse préparation qui remontait a plusieurs mois avant la date fatidique.
A cette époque, je cumulais mes fonctions de direction de l’institut de la défense nationale, avec ma nomination au sein du cabinet du ministère de la défense nationale Slahddine Bali qui a décidé un jour de scinder son cabinet en quarte sections autonomes les unes par rapport aux autres.

L’une des quatre revenait à feu le colonel Amar Abdelkader, qui perdait son titre de chef de cabinet qu’il détenait depuis une douzaines d’années. Il devait désormais gérer le courrier de l’armée de terre et des services communs.

La seconde revenait à moi-même, désigné pour gérer les affaires de la marine et de l’aviation en même temps qu’a m’occuper d’une large gamme d’affaires confidentielles (courriers interministériels, relation avec la chambre des députes, etc.)

La troisième revenait au colonel Mokhtar Gmati qui exercera sa compétence indiscutable dans les domaines de la logistique et des services de soutien.

La quatrième enfin est confiée a Monsieur Chokri Ayachi , un jeune énarque désigné au ministère de la Défense pour exercer initialement une fonction d’appoint aux services juridiques et qui se voyait bombardé au cabinet du ministère .Il s’occupera des contentieux et des affaires d’inspiration et de finalité juridique.
L’année 1987 voyait se dérouler une succession d’événements insolites : la perte ou plutôt le vol de matériel de guerre chez certains régiments de l’armée de terre, ou dans certaines bases de l’armée de l’air. Fusil, fusils mitrailleuse ou pistolets sont couramment déclarés volés au grand dam du ministre de la Défense !
Monsieur Bali vociférait et tempêtait sans arrêt .Il convoquait les chefs de corps pour des réunions aux cours desquelles il dictait des consignes drastiques de verrouillage des portes, de construction de murs et d’élévation de tours de guet !
Pour ma part, je ne comprenais guère ce courroux ministériel intempestif et irrationnel. Il suffisait à mes yeux que le ministre fasse usage de son autorité pour contraindre les chefs de corps à faire montrer de plus de vigilance et a faire cesser ce laxisme impardonnable au sein des casernes.
Assistant a ces réunions des chefs de corps, je prenais le courage d’exprimer vaillamment mon opinion, soutenant notamment l’inadmissibilité d’une situation qui nous acculait à surveiller nos propres casernes quand notre vocation et notre mission nous attachaient à surveiller nos frontières.

Mais à mon étonnement, j’observais sur le visage du ministre des signes de non-satisfaction. Manifestement, Monsieur Bali voyait mal son attaché de cabinet soutenir une ligne différente de la sienne et coupait court a mes plaidoyers pourtant bien accueils par l’assistance.
Je ne tardais pas à comprendre la raison de sa colère. Monsieur Bali trempait dans le complot ourdi par Ben Ali pour s’emparer du pouvoir. Il était d’ailleurs le seul ministre parmi tous les ministres qui avait la capacité d’empêcher ce dernier de réaliser son complot.

Le ministre de la Défense se targuait pourtant de faire partie de la famille de Bourguiba. Sa défunte épouse (Fattouma) n’est elle pas la fille de la nièce (Mongia) du président Bourguiba ?
Pour l’instant, il importe de dissimuler son implication dans les desseins de Ben Ali , en multipliant les gestes de fidélités a Bourguiba : ses enfants sont vivement encouragés à assister aux festivités célébrées à l’occasion des anniversaires du président, gestes apprécié par la nièce (Saida) qui se faisait forte de « ramener » Bourguiba vers « les siens » après avoir erré longtemps vers d’autres cieux sur instigation de « Wassila ».
Au fil des jours je parvenais a élucider les contours du plan ourdi par les conspirateurs : les armes soi-disant volés, sont vite « récupérés» par les barrages de policés disséminés dans les zones voisines des lieux de vols.
Du coup, le prestige de Ben Ali grandit dans les yeux du vieux président .Il est désormais le "lion" qui veille sur la sécurité du pays !

Il est l’homme indiqué pour éradiquer la contestation sous toutes ses formes. En particulier les intégristes qui défiaient l’autorité bourguibienne par des démonstrations de rue dans la capitale.
En octobre, le président Bouguiba couronne son admiration pour Ben Ali en le hissant au niveau de Premier ministre. De ce fait, le vieux président commettait l’erreur de sa vie.

Déjà en 1986, il a limogé Mohamed Mzali , remplacé par Rachid Sfar assisté par Smail Khelil . Les deux hommes sont chargés de prendre contact avec les institutions de Bretton woods » (fond monétaire, et banque mondiale) pour renflouer les finances de la république mise a mal sous l’ère Mzali.

Rassuré un tant soit au niveau des ses finances, Bourguiba se tourne vers ses problèmes de sécurité et s’en remet totalement à Ben Ali pour obtenir les mêmes résultats. Il était loin de penser que cette promotion de Ben Ali anticipait son éviction du pouvoir.
En effet, le complot conçu par les conspirateurs misait sur cette nomination pour proclamer la déchéance du vieux « Zaim », reconnu « sénile» par un groupe de médecins, parmi lesquels deux militaires (un neurologue et un cardiologue) qui ont pourtant prêté serment un jour de fidélité a Bourguiba !!

Ainsi, la boucle est bouclée, le premier ministre est constitutionnellement reconnu président de la République. Ce n’est donc ni un pronunciamiento ni un coup de force, mais bien le recours au processus légal prévu par la constitution de la république tunisienne.
L’opinion déboussolé par les fresques de fin de règne, applaudit et cautionne ce changement commis « sans effusion de sang » en Tunisie. Ben Ali occupe le terrain déblayé et s’installe dans la durée.

Béchir Ben Aissa : Colonel (retraité)
Ancien Directeur fondateur de l’Institut de la Défense nationale

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